Ο Οικουμενικός Πατριάρχης κ.κ. Βαρθολομαίος, σήμερα, Τρίτη 4 Νοεμβρίου 2025, στη Λούρδη της Γαλλίας, μίλησε – επισήμως προσκληθείς – στην Γενική Συνέλευση της Ρωμαιοκαθολικής Ιεραρχίας της χώρας αυτής.
Παραθέτουμε το σχετικό βίντεο και την Πατριαρχική ομιλία στα γαλλικά.
Éminence, cher cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, l’antique Massalia chère à notre cœur, et président de la conférence des évêques catholiques de France,
Éminences, Excellences, bien chers frères dans l’épiscopat,
Révérends vicaires apostoliques et administrateurs diocésains,
Chers frères et sœurs en Christ, consacrés ou laïcs, qui accompagnez les travaux de vos pasteurs au cours de leur Assemblée plénière d’automne en cet an de grâce 2025,
«Qu’il est bon, qu’il est doux d’être ensemble » (Ps 133, 1) s’écrie le Psalmiste. Notre joie à vous retrouver redouble l’honneur que nous avons éprouvé à l’annonce de votre invitation dont nous vous remercions, rendant gloire au Seigneur qui nous réunit en son nom et qui, selon sa promesse, réside « parmi nous » (Mt 18, 20).
Il y a trente ans de cela, en 1995, lors de notre premier voyage officiel en France, après nous être entretenu à Paris avec le cardinal Jean-Marie Lustiger d’heureuse mémoire, nous avions été reçu ici-même, à Lourdes, par le regretté archevêque de Rouen Joseph Duval entouré de vos prédécesseurs dans l’épiscopat.
Comme des millions de pèlerins le font chaque année, guidés par la soif de l’espèrance, nous étions venu au bord des eaux du Gave animé par le désir de guérison, afin que nous puissions, nous autres chrétiens, dépasser dans l’Esprit-Saint, au jour où il le décidera, les divisions héritées des maladies de l’histoire et qu’à l’image de la Très-Sainte Trinité nous puissions « être un » (Jn 17, 21), nous abreuvant à la vie divine qui est communion. Ainsi que le Patriarche œcuménique Athénagoras ne cessait de le répéter: «L’union viendra, ce sera un miracle, un nouveau miracle dans l’histoire. Quand ? Nous devons nous y préparer. Car un miracle est comme Dieu: toujours imminent.»
Sur ce chemin nous éclaire « Marie pleine de grâces » ainsi que la salue l’Ave Maria. Pour vous et pour nous, elle est en vérité la Θεοτόκος, la « Mère de Dieu », comme la proclame le concile d’Ephèse que nous confessons d’une même voix. Nous partageons la même vénération et dévotion à l’égard de celle qui, inlassablement, intercède pour nous auprès de son Fils (Jn 2, 1-5). Depuis les temps anciens, notre siège patriarcat dispose également, au centre de la Nouvelle Rome, d’une source miraculeuse consacrée à la Vierge : l’icône de la Θεοτόκος Ζωοδόχος Πηγή, Mater Dei Fons Vitae en latin, irradie de sa puissance vivifiante l’entier plérôme orthodoxe. L’Orient la chante incessamment et les hymnes byzantins qui la louent sont aujourd’hui repris avec ferveur en Occident. Quant à la bénédiction des eaux, l’αγιασμός, que prise notre liturgie, elle nous révèle, en écho à la régénération du baptême, le mystère cosmique que porte et que délivre la jeune fille du Magnificat (Lc 1, 46-55). De l’eau primordiale de la Genèse (1, 20) à l’eau paradisiaque de l’Apocalypse (7, 17), de l’eau émancipatrice de la mer Rouge (Ex 14, 15-31) à l’eau libératrice du Jourdain (Mc 1, 911), les eaux maternelles de celle qui a enfanté dans le temps le Λόγος éternel récapitulent l’histoire du salut.
En 1995, nous-même, devant ce sanctuaire marial de Lourdes qui, comme un aimant, attire les foules, nous avions contemplé combien notre Dieu est le « Dieu qui fait des merveilles ». L’apparition de la Vierge Marie en ces montagnes alors perdues des Pyrénées, en cette grotte inconnue de Massabielle, en présence de l’ingénue et heureusement têtue Bernadette Soubirous, constituait en soi un message adressé à l’époque.
Le milieu du XIXe siècle voyait triompher le matérialisme, le positivisme, l’athéisme. L’exode rural et l’inflation urbaine provoquaient un déracinement spirituel propice à l’emprise des idéologies mortifères. Mais, par la manifestation de la TouteSainte, le Très-Haut marquait sa préférence pour le peuple des humbles et des anonymes. Il exaltait la science infuse mais sûre des simples. Il réconciliait l’âme et le corps. Il s’adressait aux femmes et aux enfants alors négligés ou exploités. Il affirmait la gloire du pauvre qui, sans illusion sur le monde et sur lui-même, est en attente de l’inouï. Puisque, comme le disait Blaise Pascal, si représentatif du génie français, le christianisme consiste d’abord dans « les Ecritures, les sacrements, les miracles».
Trois décennies ont passé depuis notre première visite en ce grand lieu de pèlerinage et l’état de la planète, de notre Terre, a empiré. Les désastres environnementaux, les fossés entre les dominants et les démunis, les conflits armés entre les nations, les guerres civiles et les luttes intestines au sein des peuples, les désordres et les violences au mitan des sociétés, des communautés, des familles n’ont cessé de se multiplier. Oui, l’heure est grave alors que la dignité intrinsèque de chaque personne humaine, les droits de l’homme, le droit international, l’universalisme, tous ces principes étant issus de l’Evangile, se trouvent trop souvent déniés au profit du culte renouvelé de la force brute qui unit le paganisme archaïque et le technicisme moderne.
C’est sur ce front que, ces dernières années, nous nous sommes engagé le défunt et aimé pape de Rome François et nous-même, patriarche œcuménique de Constantinople, en attestant ensemble du soin que Dieu prend de sa Création souffrante. En nous montrant côte à côte et solidaires face aux urgences du moment : écologique dès l’encyclique Laudato si’ ; sanitaire lors de la pandémie de la Covid-19 ; humanitaire auprès des migrants à Lesbos et pour la paix à Jérusalem ; spirituelle relativement aux impasses œcuméniques, interreligieuses, interculturelles ; ecclésiale au sujet de la synodalité. Chacune de ces occasions et de nos rencontres a été empreinte d’une profonde amitié fraternelle nourrie par la volonté commune de servir « la multitude » (Mt 26, 28).
Au sujet de la protection de l’environnement, nous devons aussi en appeler à la mémoire du patriarche œcuménique Dimitrios, dont la voix prophétique appela dès 1989 notre Église à devenir la gardienne de la création. Depuis lors, toutes les Églises orthodoxes, ainsi que l’Église catholique romaine, la Communion anglicane et de nombreuses confessions chrétiennes, en comptant aussi le Conseil œcuménique des Églises ont répondu à l’appel du Patriarcat œcuménique en consacrant le 1er septembre à la prière pour la protection de l’environnement.
Au fil du temps, nous avons cependant laissé s’installer une fracture douloureuse : la religion s’est réfugiée dans ses sanctuaires, la science dans ses laboratoires, chacune se méfiant de l’autre. Mais cette séparation n’a jamais été voulue par Dieu. Saint Grégoire de Nysse nous enseigne que la grâce divine « pénètre toute la création ». Il n’existe donc pas de frontière entre le sacré et le profane, entre le spirituel et le matériel : tout est habité par la présence de Dieu. Lorsque les scientifiques observent la fonte des glaciers et que nous méditons sur les gémissements de la création (Rm 8,22), nous lisons le même livre : celui de la sagesse de Dieu inscrite dans le monde.
Nous devons aussi reconnaître que nous nous trompons lorsque nous détournons le regard du réel. Pendant la pandémie, certains ont préféré les théories du complot à la vérité scientifique ; d’autres invoquent la souveraineté divine tout en négligeant les conséquences de leurs actions sur le climat. Ce n’est pas là un témoignage de foi, mais un aveuglement spirituel. Nous ne pouvons plus séparer notre prière de nos gestes quotidiens. La surconsommation, la pollution, la destruction des forêts et des mers ne sont pas seulement des drames écologiques : elles révèlent une blessure de l’âme, une crise spirituelle de notre époque.
Mais nous savons aussi que notre foi détient une sagesse précieuse. Elle nous enseigne la patience, la mesure et la joie du renoncement. Les Pères de l’Église nous ont transmis la vigilance du cœur et l’ascèse comme discipline de vie. Dans un monde obsédé par la vitesse et la consommation, nous devons retrouver le sens de la juste mesure et de la sobriété. Choisir la qualité plutôt que la quantité, la beauté plutôt que l’utilité, la communion plutôt que le profit. Ce n’est pas un retour en arrière : c’est une libération. La liberté de vivre avec gratitude, dans la simplicité et la paix intérieure.
Nous avons aussi perdu le rythme sacré du temps. Les arbres ne se hâtent pas, les étoiles ne brûlent pas plus vite pour briller davantage. Nos ancêtres savaient que toute croissance véritable exige patience et durée. Nous devons réapprendre la lenteur féconde, la joie de voir une graine devenir un arbre, un geste humble devenir source de vie.
Enfin, nous devons redécouvrir une théologie de l’interconnexion. La santé de la planète et le bien-être des peuples sont inséparables. Nous ne pouvons guérir la terre sans guérir nos relations humaines. La justice environnementale et la justice sociale ne sont pas deux causes distinctes, mais les deux faces d’un même appel: celui de la vie en plénitude. Nous sommes à un carrefour décisif. Serons-nous la génération qui choisit le confort plutôt que la conscience, ou celle qui, unie dans la foi, la science et la solidarité, choisit la transformation plutôt que la destruction ? L’avenir de notre monde dépend de cette réponse — une réponse non seulement écologique, mais profondément spirituelle.
Cet appel ecclésial en faveur de notre «maison commune» résonne avec force face au poids global du nihilisme, de la tentation du néant qui s’efforce de prendre possession de l’intelligence et du cœur de nos contemporains sur tous les continents. Les Pères du désert nommaient ἀκήδεια, «acédie», ce sentiment de déperdition de l’existence confinant à l’extinction de la conscience. Un mal, jadis monastique, réservé aux ascètes, qui menace désormais tout-un-chacun, particulièrement dans les régions du monde où l’abondance des biens matériels fait perdre de vue le seul bien, l’«unique nécessaire qui ne puisse être enlevé» (Lc 10, 42).
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Aussi, en ce jour solennel, permettez-nous de vous confier notre conviction intime : plus que jamais, dans un tel contexte, l’attestation de l’Eglise catholique de France ressort cruciale. Elle l’est au titre de son riche héritage, ayant été le terreau de tant de formes de saintetés, de pensées, d’engagements au cours des siècles passés. Elle l’est au titre de l’exemplarité avec laquelle elle tâche de faire face, depuis le début de ce siècle, aux diverses crises qui, comme ailleurs, la secouent ou la traversent. Elle l’est au titre de ses immenses théologiens mais aussi philosophes et écrivains qui ont œuvré de manière décisive au dialogue entre nos Eglises et qui ont préparé le concile Vatican II, événement-clé du siècle dernier et dont nous commémorons le 60e anniversaire. Nous devons reconnaître que la vision du pape Jean XXIII mettant l’accent sur la question de l’unité a traversé tous les travaux conciliaires grâce au soutien renouvelé de son successeur, le pape Paul VI. La question de l’unité, qui dépasse de loin le seul horizon œcuménique, a nourrit avec puissance les débats et les directions prises par le concile. Car dans le mystère de l’unité du corps du Christ qu’est l’Église se forge sa mission d’enseignement et de service, ce qui demeure au cœur de notre vocation.
Un legs d’une telle importance peut sembler imposant. Cependant, c’est bien en vertu de cet héritage que la France, plus que jamais, est appelée à se montrer, selon le mot du pape et saint Paul VI, le « four où se cuit le pain intellectuel de la chrétienté ». Nous pensons avec émotion et reconnaissance à deux géants, pour ne citer qu’eux, dont les contributions ont été essentielles à notre compréhension mutuelle, au rapprochement entre catholiques et orthodoxes qui est vital pour le devenir du monde. Au dominicain Yves Congar, dont nous venons de commémorer le trentenaire du décès. Au jésuite Henri de Lubac dont nous allons célébrer le centenaire de la naissance. Tous deux, qui furent élevés au rang de cardinaux après avoir bataillé pour la foi authentique, ont prouvé que la véritable tradition n’est pas conservatrice mais créatrice, qu’elle sait traduire le toujours dans l’ici et le maintenant. Or le premier prévenait qu’« un salut, cela peut se manquer ». Et le second, qu’« il ne s’agit pas d’adapter le christianisme aux hommes, mais d’adapter les hommes au Christ».
Dans le même esprit, sur le chemin de réconciliation que suivent nos Églises sœurs, il convient aussi d’appeler le souvenir de 1965 et de la levée des anathèmes de 1054 entre les Églises de Rome et de Constantinople. Ce geste prophétique insiste sur le processus de dialogue qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui. La déclaration commune du pape Paul VI et du patriarche œcuménique Athénagoras agit comme un puissant remède et une méthode singulière qui en appellent au pardon des offenses et des blessures du passé, tout en enlevant « de la mémoire et du milieu de l’Église les sentences d’excommunication qui les ont suivis, et dont le souvenir opère jusqu’à nos jours comme un obstacle au rapprochement dans la charité, et les vouer à l’oubli.» La déclaration de se conclure: «En accomplissant ce geste, cependant, ils espèrent qu’il sera agréé de Dieu, prompt à nous pardonner lorsque nous nous pardonnons les uns les autres, et apprécié par le monde chrétien tout entier, mais surtout par l’ensemble de l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe comme l’expression d’une sincère volonté réciproque de réconciliation et comme une invitation à poursuivre, dans un esprit de confiance, d’estime et de charité mutuelles, le dialogue qui les amènera, Dieu aidant, à vivre de nouveau, pour le plus grand bien des âmes et l’avènement du règne de Dieu, dans la pleine communion de foi, de concorde fraternelle et de vie sacramentelle qui exista entre elles au cours de premier millénaire de la vie de l’Église.»
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Ces paroles résonnent fortement au regard de la situation actuelle où certains voudraient réduire la foi à une identité, voire l’instrumentaliser à des fins contraires à la Bonne Nouvelle quand ce n’est l’asservir à des entreprises autocratiques et bellicistes. C’est une chose de reconnaître la nature singulière des nations depuis la dissémination de Babel (Gn 11,1-9) que vient réparer la symphonie de la Pentecôte (Ac 2, 1-4). C’est autre chose que de sacraliser l’appartenance à un peuple au point d’en faire un tribalisme ethnique et une arme conquérante.
De manière prophétique, lors du concile qui se tint à Constantinople en 1872, les patriarches orientaux, synodalement assemblés par notre illustre prédécesseur Anthimos VI, condamnèrent sous le vocable d’« ethnophylétisme » cet abandon à la logique du monde. Ils le jugèrent comme l’« hérésie moderne par excellence ». Ils décrétèrent qu’une telle déviation induisait une confusion idolâtrique et délétère entre la politique et la religion.
Nous-même, usant des prérogatives de la primauté qui nous reviennent canoniquement et historiquement, nous avons conféré à l’Eglise orthodoxe d’Ukraine son autocéphalie garantissant ainsi aux fidèles de ce pays l’épanouissement de leur vie chrétienne dans la liberté de conscience, de confession et d’expression. En agressant Kyiv, Moscou a engagé, selon ses propres termes, une « croisade » qui ligue les pouvoirs temporel et spirituel dans une guerre injuste, d’une cruauté insensée, et qui précipite malheureusement la Russie, pourtant organiquement si pieuse, dans un abîme d’impiété. Cette nouvelle alliance entre le trône et l’autel est fondamentalement contraire à l’Evangile et à l’orthodoxie. La tragédie des femmes et des enfants ukrainiens qui subissent quotidiennement un déluge de bombes et de missiles est aussi la nôtre. Aussi voyons-nous comme un signe de sursaut que, comme le patriarcat œcuménique, l’Etat, l’Eglise et l’opinion en France comprennent que se joue là l’avenir de l’Europe, son intégrité non seulement territoriale mais aussi morale.
Nous le savons, la crise que traverse notre monde ne se limite pas aux tensions politiques, aux guerres ou aux déséquilibres économiques. Elle plonge plus profondément, dans une blessure spirituelle. L’humanité a oublié son âme. Nous avons perdu le sens du sacré, et avec lui, le sens de la fraternité. Lorsque Dieu disparaît du regard humain, la terre devient un bien à exploiter, l’autre un rival à craindre, et la vie elle-même une marchandise. La rupture avec le Créateur engendre la rupture entre les créatures. C’est de cette amnésie spirituelle que naissent la violence, la peur et l’injustice. C’est pourquoi nous, disciples du Christ, portons une responsabilité sacrée. Nous devons rappeler au monde que la paix ne se bâtit pas sur la seule raison humaine, mais sur la reconnaissance du divin en chaque personne.
Elle ne se réduit pas à une absence de conflit, mais elle est communion, écoute, pardon. Elle est le fruit de cœurs réconciliés et d’âmes ouvertes à la transcendance.
De même, le Concile Vatican II, dans la déclaration Nostra aetate, nous rappelle de manière prophétique que les religions ne doivent pas s’ignorer ni se mépriser, mais reconnaître ce qui est « vrai et saint » en elles. La déclaration de poursuivre : « Elle exhorte donc ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la collaboration avec les adeptes d’autres religions, et tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socio-culturelles qui se trouvent en eux. » Cet appel, toujours vivant, inspire nos rencontres et nourrit notre espérance de paix. De son côté, l’Église orthodoxe a elle aussi développé une compréhension similaire de l’importance du dialogue interreligieux suivant la définition développée par le saint et grand concile de l’Église orthodoxe qui s’est réuni en Crète en 2016 et qui déclare : « Le dialogue interreligieux franc contribue au développement d’une confiance mutuelle dans la promotion de la paix et de la réconciliation. L’Église lutte pour rendre plus tangible sur terre la ‘paix d’en-haut’. La véritable paix n’est pas obtenue par la force des armes, mais uniquement par l’amour qui ‘ne cherche pas son intérêt’ (I Co 13, 5). Le baume de la foi doit servir à panser et à guérir les plaies anciennes d’autrui et non pas à raviver de nouveaux foyers de haine. » (Encyclique, par.17)
Nous croyons donc que la paix trouve son origine dans la vie même de Dieu, dans la communion des Personnes divines. Elle est participation à cette harmonie éternelle où l’amour et la liberté s’unissent sans se confondre. Entrer dans cette paix, c’est entrer dans le mouvement même de la Trinité : un mouvement d’amour qui descend vers le monde pour le guérir et le sanctifier.
Cependant le nihilisme de notre époque semble double. Il procède à la fois par la dissolution foncière des identités et par la reconstruction artificielle des identités, telle est la réalité que nous devons affronter. Nous devons refuser la communautarisation du fait chrétien. Nous devons reprendre et perpétuer comme au premier jour l’élan apostolique, l’annonce à toutes et à tous du salut. Soyons sans peur car là est la quête intime, même si confuse et désordonnée, de notre prochain, quel qu’il soit et de quelque façon qu’il nous échoit selon les plans qu’a arrêtés pour nous la Providence.
Notre attention se porte finalement sur la place de la jeunesse dans le monde, et aussi au sein de l’Église. Les jeunes ne sont pas seulement l’avenir de notre communauté ecclésiale : ils en constituent le présent vivant. Leur foi, leur énergie et leur créativité nourrissent la vitalité du Corps du Christ et rappellent à tous que l’Église est appelée à se renouveler constamment dans l’Esprit Saint. Dans un monde souvent marqué par la fragmentation, l’indifférence spirituelle et la recherche effrénée du succès matériel, les jeunes nous enseignent le courage de témoigner de l’Évangile par la vie. Leur engagement dans les paroisses, les mouvements et les œuvres caritatives est un signe tangible que la mission de l’Église continue de porter du fruit, que l’amour du Christ continue à attirer et transformer.
Comme l’a affirmé le saint et grand concile de l’Église orthodoxe auquel nous avons déjà fait référence, il nous revient de transmettre aux générations présentes et futures la foi authentique, enracinée dans la prière, les sacrements et le service du prochain. La jeunesse nous rappelle que la foi ne se conserve pas seulement dans les livres ou les structures : elle se vit, elle s’offre, elle rayonne.
Prions, écoutons, guidons les jeunes avec patience et encouragement, afin que leur énergie et leur espérance deviennent des instruments de renouveau spirituel et d’unité pour nos communautés. Dans leur foi, leur enthousiasme et leur désir de justice et de paix, mais aussi d’une authentique expérience spirituelle, nous voyons un témoignage vivant de l’amour du Christ, capable de façonner toute une génération de chrétiens et de chrétiennes.
Notre espoir n’est pas de ce monde. Parmi les apparitions de la « Dame blanche », la jeune Bernadette Soubirous rapporte qu’elle lui aurait dit : « Pénitence ! Priez Dieu pour les pécheurs. Allez embrasser la Terre en pénitence pour les pécheurs ». Saisissons-là l’inspiration, puisons-là l’action que réclame le présent basculement du monde en nous tournant vers Notre-Dame de Vie, en lui demandant le discernement, la patience et l’humilité d’être d’authentiques témoins de son divin fils, Jésus crucifié et ressuscité pour la vie du monde.
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Voilà la méditation, Éminences, Excellences, Révérends, frères et sœurs en Christ, qu’a provoquée en nous votre amicale invitation à nous joindre à vous en ce jour. Il y a trente ans de cela, en 1995, nous nous étions rendu d’abord à Rome pour cosigner une Déclaration commune avec le pape Jean-Paul II puis à Lourdes pour participer à l’Assemblée d’alors. Trente ans plus tard, en cette année 2025, nous sommes d’abord venu à Lourdes avant que nous ayons l’immense joie fraternelle de recevoir au Phanar, à Istanbul, Sa Sainteté le pape Léon XIV et que nous entreprenions ensemble un pèlerinage à Nicée, aujourd’hui Iznik, pour y célébrer le 1700e anniversaire du premier concile œcuménique qui a défini notre commun Credo dans l’Incarnation du Verbe grâce au Fiat de la Vierge Marie. Ces deux événements, ce croisement de calendriers à trois décennies près, nous apparaissent confirmer la parole du prêtre Alexandre Men, mort assassiné, martyr de forces obscures dont la Russie rêvait de pouvoir enfin s’émanciper, et qui retentit à nos oreilles comme le serment d’espérance qui nous lie: «Le christianisme ne fait que commencer».
Merci pour votre accueil et pour votre attention.

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